Même si la majorité des consommateurs l’ignorent, la livraison des produits de la ferme aux détaillants chez qui ils s’approvisionnent fait actuellement l’objet d’une dure bataille en Amérique du Nord. Dans cette lutte qui n’en finit plus s’affrontent la caisse traditionnelle en carton ondulé sur laquelle le nom du producteur est imprimé en couleurs et la caisse anonyme en plastique réutilisable, c’est-à-dire un système offrant une boîte neuve à chaque fois (ce qui réduit le risque de transmettre aux consommateurs des pathogènes et des bactéries indésirables) et une caisse qu’il faut laver à fond et désinfecter avant de la réutiliser. Dans ce débat économique et environnemental qui oppose le carton et le plastique se mesurent les partisans de la réutilisation et du recyclage.
Certains de ces enjeux ont récemment fait l’objet d’un article du quotidien Globe and Mail qui a eu pour effet d’ajouter à la confusion. Essayons d’y voir plus clair et de rétablir les faits :
- Selon IFCO (un important fournisseur de caisses de plastique), les études scientifiques qui démontrent que les caisses de plastique réutilisables représentent des risques pour la salubrité des aliments sont « défaillantes » et comportent des « erreurs méthodologiques ».
RÉALITÉ : Plusieurs études indépendantes ont été menées depuis quelques années au Canada et aux États-Unis par des scientifiques réputés du domaine de l’alimentation, notamment par les universités de Guelph, de la Colombie-Britannique, de Californie à Davis et de l’Arkansas. Au moins une étude parmi celles-ci a fait l’objet d’un examen par les pairs et d’une publication dans une revue scientifique. Une étude en laboratoire a démontré la persistance de biofilms après les procédures habituelles de lavage des caisses de plastique et des études sur le terrain ont révélé la présence problématique de quantités totales élevées de levures et de moisissures aérobiques et d’E. coli sur des caisses qui avaient supposément été lavées. Selon l’article du Globe, les résultats de la dernière étude de l’Université de Guelph sont appuyés par le professeur Lawrence Goodridge, spécialiste des sciences de l’alimentation à l’Université McGill.
RÉALITÉ : IFCO n’a par contre financé aucune recherche indépendante, n’a pas présenté de résultats d’études internes pour examen public, a refusé de fournir des précisions sur les normes qu’elle juge acceptables et n’a répondu aux données des études citées plus haut que par des généralités et des remarques critiques. Si ses caisses sont aussi propres, pourquoi IFCO refuse-t-elle de dire publiquement sur quoi elle se base exactement pour tirer ces conclusions? Et pourquoi les détaillants comme ceux qui font la promotion des caisses de plastique, Loblaw et les agences d’inspection gouvernementales n’insistent-ils pas davantage pour qu’IFCO pour qu’elle dévoile publiquement ses procédures d’essai afin de permettre aux scientifiques du domaine de l’alimentation et aux consommateurs d’être certains que les caisses de plastique respectent des normes acceptables de désinfection?
- La Reusable Packaging Association (une association américaine de fabricants et d’utilisateurs d’emballages réutilisables) affirme que l’industrie du carton ondulé a financé des essais sur la salubrité des produits de ses concurrents, mais qu’elle ne l’a pas fait pour ses propres produits.
RÉALITÉ : C’est faux. C’est de manière très ouverte que l’industrie du carton ondulé a mandaté des scientifiques indépendants spécialisés dans le domaine de l’alimentation pour mener les études mentionnées ci-dessus. L’industrie aurait souhaité qu’IFCO et des organismes publics participent au financement de projets de recherche conjoints sur les caisses de plastique et de carton ondulé, mais ni l’une ni l’autre n’ont offert leur soutien. L’industrie du carton ondulé a aussi testé ses propres produits. Une étude indépendante sur les caisses de carton indique que la chaleur du processus de fabrication des caisses de carton ondulé tue toutes les bactéries. Dans une autre étude, des tests ont été effectués sur 720 caisses de carton ondulé dans trois États américains et les résultats ont révélé que toutes les caisses avaient atteint des niveaux de désinfection satisfaisants.
- La porte-parole de Loblaw, Mme Catherine Thomas, a affirmé que « chaque année, en utilisant des caisses de plastique réutilisables, on évite d’envoyer des millions de caisses de carton ondulé ciré dans les sites d’enfouissement ».
RÉALITÉ : C’est faux. Pour commencer, il est nettement exagéré de parler de millions de caisses. Les caisses en carton ondulé paraffiné représentent environ 3 % de l’ensemble de la production de caisses en carton ondulé et peut-être 10 % des caisses utilisées à l’heure actuelle pour la livraison de fruits et légumes frais. La paraffine forme une barrière contre l’humidité permettant, par exemple, d’ajouter de la glace dans les caisses pour conserver la fraîcheur de produits comme le brocoli pendant le transport. L’industrie du papier et du carton a stimulé le développement de solutions de rechange aux traitements à la paraffine et, en réalité, les ventes de ces produits de remplacement surpassent maintenant celles des produits cirés traditionnels. Les produits qui remplacent le carton ciré sont parfaitement retriturables et recyclables dans les usines qui recyclent les emballages partout en Amérique du Nord.
Loblaw et les autres épiciers devraient vérifier ce qui se passe vraiment dans leurs arrière-boutiques. On demande aujourd’hui à de nombreux épiciers de mettre les caisses de carton ondulé ciré à part des autres de façon à pouvoir les envoyer à des fabricants de bûches artificielles ou à des entreprises qui en extraient la paraffine. Évidemment, les magasins qui tirent profit de cette occasion n’envoient pas leurs caisses cirées au dépotoir.