Les vieilles études européennes du cycle de vie ont une valeur négligeable dans le contexte de la guerre des sacs au Canada

Lorsque l’industrie du plastique diffuse à grande échelle des déclarations fausses ou trompeuses sur l’impact environnemental des sacs de papier au Canada, nous avons l\’obligation de nous défendre et de nous assurer que les Canadiens n\’ont pas seulement accès à des données partielles, mais à l’ensemble des faits.

Ce que nous trouvons particulièrement choquant, c’est la diffusion publique d’une ribambelle d’études européennes sur le cycle de vie alléguant que les sacs de papier sont néfastes ou même pires pour l’environnement que les sacs de plastique. En fait, aucune de ces études ne reflète la réalité canadienne à l’égard de la production de sacs de papier. Ces études sont vieilles, leur qualité et leur pertinence sont variables et aucune d’entre elles ne comprend des données sur la manière dont les sacs sont fabriqués au Canada.

  1. Les données sont désuètes

Il est essentiel de disposer de données précises pour tirer des conclusions sur le cycle de vie. Selon l’Institute for Environmental Research and Education (IERE), un organisme à but non lucratif respecté, toutes les données primaires (les données obtenues directement auprès des usines de fabrication des sacs, par exemple) « ne doivent pas dater de plus de trois ans ». Les données secondaires (provenant de publications revues par les pairs ou de la littérature grise comme les publications gouvernementales) « ne doivent pas avoir plus de dix ans, à moins qu’un expert du secteur puisse garantir qu’elles sont restées stables ».

Cependant, lorsque nous examinons les études européennes que l\’industrie canadienne du plastique adore citer et répandre partout dans ses sites Web consacrés aux sacs, on peut voir qu’elles contiennent toutes des données qui datent de plus de dix ans. Le rapport de l’agence environnementale du Royaume-Uni (exigences et qualité des données 3.5 et annexe C sur la description des données d’inventaire) a été publié en 2011 relativement aux données de 2006, mais il est en réalité fondé sur des données d’inventaire du cycle de vie qui remontent à 1999 (17 ans). Quant au rapport écossais, il ajuste les données d’une étude française antérieure (celle de Carrefour) dont les données ont été « recueillies en bonne partie entre le milieu et la fin des années 1990 ».

C’était il y a plus de 20 ans! C’est l’époque du Jour de l’expiation à Washington et du procès d’OJ Simpson. À cette période, Jack Nicklaus remportait le British Open et Al Gore, alors vice-président des États-Unis, tentait de faire entrer Internet, qui était l’apanage du milieu universitaire, dans les écoles!

  1. La qualité et la pertinence des études sont variables

Si vous tenez à citer des évaluations de cycles de vie, choisissez au moins des études actuelles (non désuètes, comme nous l\’avons expliqué plus haut) et qui satisfont aux normes internationales acceptables pour l’analyse comparative (ISO 14020, ISO 14021, ISO 14025, ISO 14040, ISO 14044, et ISO 14050).

Seulement deux des études européennes citées sont des évaluations originales de cycles de vie et toutes deux comportent des aspects problématiques reconnus par les auteurs et/ou d’autres praticiens du cycle de vie. L’étude de Carrefour, qui portait spécifiquement sur la fabrication et l\’importation de sacs en France, est basée sur des données des années 1990. Son traitement relatif des gaz à effet de serre en fin de vie a été remis en question. De plus, les unités fonctionnelles (de mesure) utilisées étaient différentes de celles des études ultérieures.

L’étude du Royaume-Uni reconnaissait que la plupart des sacs de plastique étaient importés d’Asie, mais parce qu’aucun ensemble de données chinoises n\’était identifié, elle a plutôt modifié les moyennes fournies par l’industrie européenne du plastique. Il est aussi convenu dans son examen final qu’aucune comparaison claire n’a été établie en se fondant sur l’unité fonctionnelle (une exigence ISO essentielle n\’est donc pas satisfaite).

En outre, le rapport écossais, lequel contient « certaines des données les plus fiables » selon d’industrie du plastique, n’est ni une étude du cycle de vie ni une étude revue par des pairs et admet que ses résultats « ne peuvent servir à quantifier avec précision les impacts environnementaux ». Cela exigerait d’effectuer une analyse complète du cycle de vie sur la situation écossaise, ce qui ne fait pas partie de la portée de cette étude ».

Quant à l’argument massue, le voici:

  1. Ces études ne contiennent pas de données canadiennes!

On apprend des choses sur les sacs français, espagnols, italiens, turcs, malaisiens et chinois, mais rien sur les sacs canadiens dans ces études. Ces dernières nous informent sur le réseau énergétique de la France (en grande partie nucléaire) et sur celui de la Chine (au charbon à 78 % au moment où les études ont été menées), mais on n’apprend rien sur le réseau énergétique du Canada, lequel est très différent). Cela a une grande importance, car la consommation énergétique constitue la catégorie principale d’impact environnemental pour tous les types de sacs.

Les experts des cycles de vie comme l’IERE disent que « lorsque c\’est possible, les données sur le réseau électrique doivent représenter l’électricité achetée ou générée par l’organisme local ». Si ces données ne sont pas disponibles, il faut alors recourir aux données régionales ou nationales.

Ainsi, tant que les études ne seront pas basées sur des données énergétiques canadiennes, celles-ci n\’auront que très peu de pertinence en ce qui concerne le Canada. L\’industrie canadienne du plastique l’admet de manière tacite lorsqu’elle s’empresse de faire remarquer que la plupart des sacs de plastique canadiens ne sont pas faits à partir du charbon sale ou du pétrole brut chinois, mais grâce à l\’extraction de combustible fossile en Alberta. Bizarrement, elle n’accorde pas ces mêmes droits, qui sont particuliers pour le Canada, à l’industrie canadienne des sacs de papier pour sa forte utilisation de chutes de sciage et sa biomasse renouvelable et neutre en carbone.

Ce n’est pas parce que nous avons évité de leur en parler. Nous l’avons fait à maintes reprises. Peut-être, on peut toujours l’espérer, que le fait de communiquer ces données scientifiques et ces faits aux Canadiens dans leurs messages publics pourrait avoir de sérieuses répercussions sur leur histoire préférée, celle qui veut que les sacs de papier soient pires que les sacs en plastique.

On espère aussi, pour sa propre crédibilité si ce n’est pour d’autres raisons, que l’industrie du plastique agira de manière honorable en retirant de son site Web ces données désuètes qui n’ont aucune pertinence en ce qui concerne le Canada. Et puis tant qu’à y être, peut-être cela pourrait-il lever le voile sur l’un des principaux facteurs dont ces études et le site Web des sacs de plastique ne parlent pas, soit l’impact des déchets plastiques sur la vie marine, qui est en train de devenir un problème environnemental de plus en plus important.

John Mullinder

Executive Director Paper & Paperboard Packaging Environmental Council (PPEC)
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