Le contenu en matières recyclées est au cœur de l’approche axée sur l’économie circulaire que l’Ontario et d’autres provinces disent vouloir adopter. Elle permet aux matières premières de circuler plus longtemps dans l’économie, réduit la pression pour extraire davantage de matières vierges de la terre et retarde leur élimination éventuelle en tant que déchets. C’est une chose que les gouvernements disent vouloir encourager et pour laquelle les gestionnaires de produits et d’emballages de papier et de carton devraient être récompensés.
L’industrie canadienne des emballages de papier et de carton a dépensé des millions de dollars au fil des ans en investissements dans de l’équipement de nettoyage et de tri afin de pouvoir réutiliser et recycler le papier récupéré. Les usines du sud de l’Ontario ont tracé la voie en Amérique du Nord en recyclant le vieux carton pour boîtes dès les années 1990. Aujourd’hui, quelque 94 % des Canadiens peuvent recycler le carton et la plupart des caisses en carton ondulé et du carton pour boîtes faits en Ontario sont continuellement fabriqués à partir de contenu recyclé à 100 %, ce qui constitue en soi une réussite circulaire.
Le secteur des emballages de papier et de carton ne reçoit aucune reconnaissance pour ces efforts même s’il est en concurrence sur le marché avec des emballages principalement faits de matières vierges. Nous avons suggéré que la province uniformise les règles du jeu en établissant un objectif de 40 % de contenu en matières recyclées en moyenne pour tous les emballages vendus en Ontario d’ici 2020, et de 70 % en moyenne d’ici 10 ans. Cela mettrait l’Ontario sur la voie de l’économie circulaire qu’elle dit vouloir suivre en plus d’établir des règles du jeu plus équitables entre les différentes matières.
Une solution de rechange à une réglementation provinciale serait d’offrir un crédit lié au contenu en matières recyclées dans le cadre de la formule de financement des boîtes bleues. Il ne s’agit pas d’une idée nouvelle; l’organisme de responsabilité des producteurs du Québec, Éco Entreprises Québec, offre déjà un tel crédit. Alors qu’Intendance Ontario évoque l’idée d’un crédit lié au contenu en matières recyclées dans l’ébauche du nouveau plan sur les boîtes bleues sur lequel elle travaille actuellement, son soutien semble plutôt tiède.
C’est parce que certains gestionnaires de l’Ontario s’y sont opposés par le passé. Voici trois objections historiques et nos réponses à ces objections.
- L’évaluation du contenu en matières recyclées constitue un fardeau administratif et coûte cher à suivre et à déclarer.
Selon nous, cette objection est très exagérée. En ce qui concerne les produits de papier, nous avons des certificateurs indépendants et des certifications de traçabilité pour déterminer leur origine, qu’ils proviennent de sources vierges ou recyclées, ou d’une combinaison des deux. La certification de traçabilité est une mesure environnementale appuyée par le Forum mondial sur les biens de consommation, dont sont membres la plupart des grandes marques et les principaux détaillants du Canada.
L’obligation pour les fournisseurs de prouver qu’ils ont une certification de traçabilité acceptée à l’échelle internationale semble réduire le fardeau administratif des gestionnaires en plus d’offrir une bonne impulsion de départ à l’économie circulaire. Cela obligerait également d’autres matières à élaborer des programmes de certification de traçabilité, si elles ne l’ont pas déjà fait.
Les gestionnaires pourraient également utiliser des moyennes de l’industrie certifiées de manière indépendante. Le CEEPC suit l’utilisation du contenu recyclé par ses membres depuis plus de 25 ans et il est tout à fait disposé à ouvrir ses livres à un examen confidentiel par un tiers. Une échelle mobile de l’utilisation du contenu recyclé récompenserait beaucoup plus de gestionnaires et serait probablement plus facile à vendre et à administrer. Par ailleurs, le nouvel organisme mis sur pied en Ontario pour favoriser l’économie circulaire (l’Office de la productivité et de la récupération des ressources) ne fera-t-il pas ce suivi de toute façon?
- Les fonds servant à accorder des crédits aux gestionnaires qui utilisent du contenu en matières recyclées doivent provenir d’autres gestionnaires (c\’est-à-dire qu\’il s’agit d’une substitution croisée).
Eh bien oui, c’est le cas. C’est pour ça qu\’on le fait, pour encourager d’autres gestionnaires à mieux s’engager dans l’économie circulaire, pour réduire le fardeau environnemental global du panier de biens que constitue la boîte bleue, dans l’intérêt commun. Il s’agit exactement du même principe qui est censé s’appliquer aux matières qui sont recyclées grâce aux boîtes bleues par rapport à celles qui ne le sont pas. Ça revient donc à récompenser le comportement que l\’on privilégie.
- La réglementation fédérale limite l’usage des matières recyclées dans les emballages qui entrent en contact avec les aliments. Si l’utilisation de matières recyclées devenait une exigence, ce serait injuste pour ces gestionnaires.
Premièrement, la réglementation fédérale sur les emballages aptes au contact alimentaire s’applique à toutes les matières en toute neutralité. Deuxièmement, le contenu en matières recyclées n’est pas exclu. La salubrité des aliments est l’enjeu principal et il incombe au propriétaire de la marque de garantir cette salubrité, que ce soit au moyen d’attestations de non-objection ou d’approbations de la FDA. Ce qui importe, c’est le contact direct ou indirect de la matière avec les aliments et l’élément de risque pour les humains.
Est-il injuste de cibler les gestionnaires « alimentaires »? Non. Ils choisissent de produire des aliments, et la livraison d’aliments salubres en fait partie. Tout comme les fabricants de machines à laver ou de fours à micro-ondes sont « forcés » de livrer leurs appareils des gros emballages ou les parfumeurs d’avoir recours à des emballages distinctifs au design raffiné. Ils ont tous choisi de leur plein gré leur secteur d’activité. C’est le jeu qu’ils ont choisi de jouer. La question de savoir s’ils peuvent utiliser du contenu recyclé ou non dans leurs emballages de livraison fait partie de ce choix.
En somme, le fait de récompenser ceux qui utilisent du contenu recyclé est une bonne façon, équitable et efficace, de mettre en œuvre une économie circulaire et d’uniformiser les règles du jeu entre les intervenants « circulaires » et « non circulaires ». N’est-ce pas ce que nous sommes censés faire?