Il n’est pas question ici de mettre en doute la bonne foi des militants de l’organisme environnemental américain Uptream, seulement de rétablir l’intégrité des faits qu’ils avancent.
L’organisme a récemment lancé une vaste campagne de publicité contre les déchets d’emballage. Une portion touche l’« emballage des produits de consommation ». Ce terme englobe à peu près n’importe quoi sauf du carton ondulé, si l’on se fie à la définition que Upstream en donne. L’organisme prétend que seulement 25 % de ces emballages seraient recyclés aux États-Unis[1].
Le fait d’exclure le carton ondulé de la définition de « l’emballage des produits de consommation » va à l’encontre des données canadiennes recueillies ces dix dernières années. Au Canada, le cartonnage ondulé constitue la plus grande part (46 %) de l’emballage de papier destiné à la consommation. Il sert au transport des appareils ménagers et électroniques, du vin, de la bière, de la pizza et même des hamburgers[2]. Exclure presque la moitié de l’emballage de papier résidentiel des calculs a quelque chose de malhonnête, surtout que rien ne porte à croire à une différence si marquée entre les données sur la consommation résidentielle du Canada et celles des États-Unis.
Bien entendu, cet « oubli » du cartonnage ondulé dans volume total de l’emballage des produits de consommation modifie sensiblement le taux de recyclage obtenu. Au Canada, plus de 80 % du cartonnage ondulé « destiné à la consommation » est récupéré, puis recyclé[3]. Malgré l’indisponibilité de données équivalentes pour les États-Unis, le taux minime de 25 % avancé par Upstream (obtenu en excluant le cartonnage résidentiel) constitue certainement une déformation des faits[4].
Cette déformation des faits s’accentue dans le calcul de l’impact environnemental des déchets d’emballage « destinés à la consommation », le fameux « gaspillage des forêts ». Étrangement, Upstream boude les données de l’EPA sur le volume total d’emballage de papier sans cartonnage ondulé (6,42 millions de tonnes), abandonnant du coup la définition restrictive de l’emballage des produits de consommation adoptée jusque-là.
Upstream fait plutôt voir un volume presque 30 % plus élevé, qui comprend les déchets d’emballage de papier et de carton ondulé de provenance industrielle et résidentielle[5].
Upstream a tout simplement ignoré le cartonnage ondulé de source résidentielle dans le calcul du taux de récupération, mais l’a inclus (ainsi que le volume de cartonnage ondulé de source industrielle) dans son calcul du volume de déchets. On ne peut pas faire ça! On ne peut pas changer sa définition des « emballages de produits de consommation » en cours de route sans s’attirer de vives critiques. Une distorsion a été induite dans les données, afin de miner la réputation du secteur visé par la campagne, en l’occurrence celui de l’emballage de papier et de carton.
On peut être d’accord avec l’idée de « gaspillage de forêts ». Le CEEPC ne l’est pas, et ce désaccord fera l’objet d’un prochain blogue. Juste en rétablissant les données, on réduit l’étendue de la « forêt gaspillée » de presque un tiers. Le CEEPC souhaite donc que Upstream fasse amende honorable et retire le texte « Gaspillage de forêts » de son site Web et de sa campagne, le temps que toutes les erreurs soient corrigées.
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[1] Dans sa campagne « Make It, Take It : a Waste of Forests », Upstream prétend que seulement 25 % de l’emballage de papier destiné à la consommation est récupéré. Cela correspond aux données du tableau 4 du rapport intitulé Les produits de papier et de carton dans les décharges municipales aux États-Unis : faits et graphiques (EPA 2012), qui évalue le taux de diversion des produits de papier à 24,7 %. Ce taux exclut les produits de cartonnage ondulé.
[2] Les données de l’organisme Stewardship Ontario sur le programme ontarien de récupération à la source Blue Box couvrent la période de 2003 à 2012. Pour cette décennie, le cartonnage ondulé destiné à l’emballage des produits de consommation représente 46 % de la consommation résidentielle d’emballages de papier.
[3] Stewardship Ontario, même source. Le taux de récupération du cartonnage résidentiel pour la même période avoisine les 81 % et atteint 85 % en 2012.
[4] Le tableau 4 (EPA 2012) montre un taux de récupération du cartonnage ondulé de 90,9 %. La catégorie ne permet aucune distinction entre la récupération industrielle et résidentielle.
[5] Upstream prétend que seulement 25 % des emballages de papier destinés à la consommation seraient recyclés et que tout le reste irait au dépotoir, pour un volume de 9,1 millions de tonnes par an. Selon l’EPA (voir le Tableau 4), le volume de déchets qui correspond à la définition d’ « emballage de produit de consommation » (sans carton ondulé) adoptée par Upstream serait en fait de 6,42 millions de tonnes. Upstream a gonflé ses résultats de 29 %.