Le problème du plastique favorisera-t-il le retour éventuel de la consigne en Ontario?

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J’adore le poisson. Mais je n’aime pas tellement le plastique. Je me retrouve en bonne compagnie, semble-t-il, avec le premier ministre Justin Trudeau, qui a dit au récent Forum économique mondial que la question du plastique sera le thème central du Sommet des dirigeants du G7, qui aura lieu en juin dans la région de Charlevoix.

L’annonce de M. Trudeau fait suite à celle de Coca-Cola, qui affirme son intention de fabriquer des bouteilles contenant en moyenne 50 % de contenu recyclé d’ici 2030 (dans 12 ans). Il y a aussi Unilever qui demande à l’industrie des biens de consommation de redoubler d’efforts pour s’attaquer aux défis croissants posés par les déchets de plastique en mer et créer une économie circulaire pour les matières plastiques

Ce sont là des paroles positives et percutantes. Mais comment feront-ils pour y arriver? Bien entendu, l’une des options consiste à ne pas utiliser de matières plastiques. C’est ce que le détaillant britannique d’aliments congelés Iceland a décidé de faire en s’engageant à devenir le premier grand détaillant mondial à éliminer d’ici la fin de 2023 les emballages en plastique de tous les produits qui portent sa marque. Mais au-delà de l’élimination, il faut trouver la façon la plus efficace, sans parler de la façon la plus « écologique », de récupérer les matières plastiques. Quelle serait-elle?

Seulement 29 % des emballages de plastique sont actuellement récupérés dans les boîtes bleues du système de collecte sélective multimatières en Ontario. Le meilleur taux de « récupération » d’Intendance Ontario pour les plastiques est celui des bouteilles en PET et en PEHD à un taux de 53 %, suivi des résines mixtes des « autres plastiques » à 32 %; les films en plastique accusent un retard considérable à seulement 12 %. Rien n’a vraiment changé en ce qui concerne les bouteilles au cours des 13 dernières années d’existence du programme des boîtes bleues à responsabilité élargie des producteurs (REP) dont l’intendance est assurée par l’« industrie-payeuse ». Le taux de récupération des bouteilles en plastique s’est amélioré d’un piètre 3 % au cours de cette période.

La solution consisterait-elle à investir des millions de dollars dans la promotion et l’éducation des bonnes gens de l’Ontario pour essayer de les persuader d’augmenter le taux de récupération des matières plastiques dans les boîtes bleues de 29 % à 50 % ou plus? Cela ne fonctionnera pas. D’autant plus que le programme modifié des boîtes bleues qu’Intendance Ontario a transmis pour approbation au nouvel Office de la productivité et de la récupération des ressources ne prévoit aucune pénalité pour défaut de rendement. Le plan indique qu’il y aura beaucoup de discussions au sujet des matières problématiques et peut-être certains efforts de recherche et développement ainsi que des « forums de collaboration », mais qu’il n’y aura pas de pénalités réelles en cas d’échec.

Alors, qu’en est-il de la consigne? L’Ontario est l’une des rares provinces canadiennes à ne pas avoir de système complet de consigne en plus de la collecte sélective. Traditionnellement, les gens de Coca-Cola et de Pepsi se sont opposés aux systèmes de consigne parce qu’ils ciblent les boissons et les détaillants s’y opposent parce qu’ils ne veulent pas devenir des dépôts où les bouteilles sont retournées aux détaillants.

Mais les choses sont peut-être en train de changer. Coca-Cola a dit récemment qu’elle envisagerait des systèmes de consigne « bien gérés ». De quoi parle-t-on exactement? Veut-on dire à l’échelle mondiale? Cela aurait-il du sens dans le contexte ontarien? Bien que ces grandes questions restent sans réponse, Coca-Cola dit bel et bien qu’elle veut atteindre une moyenne de 50 % de contenu recyclé d’ici 12 ans. Pour ce faire, il faut du plastique recyclé comme matière première, et il en faut beaucoup. C’est exactement ce que les systèmes de consigne permettraient d’obtenir.

La récupération des bouteilles de plastique et des canettes en aluminium par l\’intermédiaire des nombreux programmes provinciaux de consigne du Canada est tout à fait respectable. Par exemple, Encorp Pacific, en Colombie-Britannique, signale un taux de récupération de 74 % pour le plastique et de 82 % pour les canettes en aluminium. Dans les boîtes bleues de l’Ontario où l’on recueille différentes matières, par comparaison, le taux de récupération est de 53 % pour les bouteilles en PET et en PEHD et d’à peine 42 % pour les boîtes d’aliments et les canettes en aluminium. (En fait, si vous retirez des balles ce qui n’est pas en PET (PEHD), le taux de recyclage réel en Ontario est encore plus faible. Il est aussi un peu délicat de faire une comparaison directe avec l’aluminium. Les programmes de consignation visent seulement les canettes de boisson usagées. Les programmes qui ne reposent pas sur la consigne sont plus complets, car ils incluent les boîtes d’aliments pour chats et d’autres contenants en aluminium).

Les industries du plastique, de l’acier, de l’aluminium et du verre évitent peut-être de le dire publiquement par crainte d’offenser certains de leurs principaux clients, mais elles ne s’opposent pas du tout à la consigne. Et la raison en est simple : elle leur permet d\’obtenir beaucoup plus de matière (économies d’échelle) et celle-ci est en bien meilleur état (moins contaminée). La quantité et la qualité comptent. Par contre, les programmes de consignation sont reconnus comme étant très coûteux, car le transport de contenants légers de grand volume représente un coût important.

Une question clé, bien sûr, est de savoir quelle incidence un système de consigne aurait sur les principales matières qui restent dans les boîtes bleues. Aujourd’hui, le papier représente 63 % des matières produites, 75 % des matières récupérées et 52 % des revenus des boîtes bleues de l’Ontario. Essentiellement, la boîte bleue est une boîte de papier. La qualité du papier (et les revenus) augmenterait-elle suffisamment pour faire une différence? Peut-être que si l’organisme ou les organismes d’intendance continuaient de taper sur les doigts des ramasseurs pour réduire la contamination, cela pourrait avoir un certain impact.

Toute décision favorable prise par Coca-Cola, Pepsi et les détaillants se résumerait clairement à des considérations économiques et à des coûts évités. Nous estimons que le seul fait d’obtenir un taux de récupération de 50 % pour les bouteilles en plastique dans le cadre du système actuel des boîtes bleues en Ontario coûte environ 185 millions de dollars aux intendants, d’après les coûts et les revenus déclarés.

Si ces bouteilles en plastique était plutôt visées par un système de consigne et qu’on y ajoutait d’autres contenants tout en tenant compte des coûts de contamination évités pour toutes les matières aux étapes de la collecte et du traitement, ainsi que des revenus accrus liés à des produits de meilleure qualité, y compris peut-être le papier, alors un système de consigne combiné aux boîtes bleues pour le papier pourrait peut-être avoir du sens. Mais on aurait quand même besoin des boîtes bleues pour les contenants non consignés. En Colombie-Britannique, par exemple, il est entendu qu’environ 25 % du contenu des boîtes bleues est composé de plastique, de verre, de contenants aseptiques ou à revêtement polymérique et de métal non consignés.

Il y a tellement de variables dans cette discussion et d’objectifs contradictoires… Et beaucoup d’hameçons!

 

John Mullinder

Executive Director Paper & Paperboard Packaging Environmental Council (PPEC)
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